Dirigeants, inspirez-vous de Schein : et si l’humilité était votre meilleur levier de transformation ?

Face aux mutations économiques, sociales et environnementales, les entreprises ont besoin de se transformer en profondeur. Mais un obstacle revient régulièrement : le changement reste souvent perçu comme vertical, piloté par le haut, décrété par la direction. Et si, justement, la posture du leader devait changer elle aussi ? C’est ce que propose Edgar Schein, figure majeure du management, en plaçant une qualité souvent négligée au cœur du leadership : l’humilité.

L’humilité, un mot rare dans les comités de direction

Quand on parle de leadership, on pense à vision, charisme, courage, capacité de décision. Très rarement à humilité. Et pourtant, dans un monde complexe et incertain, où aucun dirigeant ne peut tout maîtriser, l’humilité devient un atout stratégique. Pas une posture molle ou effacée, mais une capacité à écouter, à reconnaître ses angles morts, à apprendre au contact des autres.

Pour Edgar Schein, ce type de posture correspond à ce qu’il appelle le leadership fondé sur l’apprentissage. Il s’agit de créer les conditions pour que l’organisation apprenne collectivement — ce qui suppose que les dirigeants acceptent de ne pas tout savoir, de ne pas tout contrôler, et surtout… de ne pas avoir toutes les réponses.

Le leader apprenant selon Schein

Dans ses travaux sur la culture organisationnelle, Schein souligne à quel point les dirigeants influencent la culture par leur comportement, bien plus que par leurs discours. Et pour transformer en profondeur une culture d’entreprise, il faut commencer par la posture du sommet.

Le leader apprenant, tel que Schein le décrit, se distingue par plusieurs attitudes clés :

• Il écoute avant d’agir, pour comprendre les dynamiques réelles du terrain
• Il questionne sincèrement, sans chercher à imposer un point de vue déguisé en question
• Il valorise les signaux faibles, même s’ils bousculent ses certitudes
• Il co-construit, plutôt que de piloter seul dans son coin
• Il reconnaît ses erreurs, non comme une faiblesse, mais comme une ressource d’apprentissage

C’est une posture exigeante, qui suppose de renoncer à une partie du pouvoir symbolique du dirigeant “sachant”. Mais c’est aussi la seule posture crédible dans des contextes de transformation où les solutions ne sont pas écrites à l’avance.

Pourquoi cette posture change tout

Adopter une posture humble, ce n’est pas simplement “être sympa” ou “laisser la parole”. C’est déclencher des dynamiques profondes dans l’organisation. Voici pourquoi :

• L’humilité libère la parole : quand un dirigeant ose dire “je ne sais pas”, cela crée un espace pour que d’autres osent proposer, questionner, innover.
• Elle permet l’apprentissage collectif : si les erreurs ne sont plus cachées, elles deviennent des leviers d’amélioration.
• Elle renforce la confiance : la transparence sur les doutes rend le leadership plus humain, plus accessible.
• Elle aligne le discours et la culture : impossible de prôner la co-construction si la direction reste enfermée dans un modèle descendant.

Comment incarner cette humilité au quotidien

Voici quelques leviers concrets pour ancrer cette posture dans vos pratiques de dirigeant :

1. Commencer par l’auto-questionnement

Quelles sont mes certitudes ? D’où viennent-elles ? Quels sont mes angles morts ? Cet exercice régulier est une boussole précieuse pour éviter les biais d’autorité.

2. Créer des espaces de feedback authentiques

Mettre en place des temps de feedback croisé, où les collaborateurs peuvent exprimer ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils proposent — sans crainte de sanction.

3. Renforcer la présence terrain

Aller au contact, pas pour contrôler, mais pour comprendre. Observer, écouter, sentir les tensions invisibles. Et surtout, poser des questions ouvertes, sans jugement.

4. Partager vos apprentissages

Racontez vos doutes, vos erreurs, ce que vous avez compris ou changé de point de vue. Cela montre que l’apprentissage est permis… même (et surtout) au sommet.

5. Prendre le temps de la co-construction

Impliquer les équipes dans les réflexions stratégiques, pas seulement dans l’exécution. Cela demande du temps, mais génère bien plus d’adhésion et d’engagement.

L’humilité, levier de transformation durable

Dans un environnement mouvant, où les transitions sont multiples (écologiques, technologiques, sociales), le dirigeant n’est plus celui qui sait, mais celui qui fait apprendre. La posture humble, au sens profond de Schein, devient alors un levier de transformation puissant : elle aligne la parole aux actes, renforce la confiance, et mobilise l’intelligence collective.

C’est un changement de paradigme. Mais un changement salutaire pour bâtir des organisations résilientes, humaines et réellement apprenantes.